Manuella est arrivée cette année au lycée Mariette, et nous a rejoints au club ciné quelques
semaines après la rentrée. On peut donc dire qu'elle débutait sa découverte du cinéma. Cela ne l'a pas empêchée, lors de ce festival de Cannes, d'être sensible au charme envoûtant
d'Altiplano, film pourtant peu facile d'accès pour une toute jeune lycéenne.
Tu as donc retenu ce film, parmi les sept que tu as vus pendant ces trois jours?
Oui, c'est même mon préféré! J''ai en plus le sentiment que la signification du film était limpide: en tout cas, je pense que j'ai
tout compris !
Quelles images t'ont marquée?
Je retiens en particulier ces portraits d'Indiens, en noir et blanc, dans leurs cadres dorés, glissant sur l'eau (NDLA: tableaux
par ailleurs brandis par les villageois de Turbamba, lorsqu'ils se révoltent contre l'exploitation minière). J'ai adoré l'esthéthique et le lyrisme de ce film. Mais autre chose est à
mes yeux très important: la musique. J'ai beaucoup aimé la bande son, la musique qui prêtait à la rêverie et à la réflexion, qui apportait aussi parfois une grande sérénité au film.
Tu n'as pas été gênée par la durée du film (presque deux heures), et son rythme?
J'ai accepté cette lenteur, ça ne m'a pas du tout dérangée. Il y avait toutefois vers la fin des longueurs et répétitions pas
indispensables. Mais je ne me suis absolument pas endormie, pas une seule seconde (CQFD: c'était le 3ème film de la journée, après un sandwich avalé à la va vite; les élèves s'étaient couchés
tard la veille)!
Selon toi, s'agit-il d'un film original?
Oui, c'est ce qui m'a plu. J'ai apprécié aussi le jeu de la couleur et du noir et blanc, le noir et blanc permettant des flash backs,
sans tomber dans le travers des fausses images d'archive.
Tu me disais que ce film t'avait émue...
Oui, j'ai été touchée en particulier par ce jeune couples d'Indiens, Saturnina et Ignacio, et au fait que le couple du médecin et de
la reporter connaissent finalement un peu la même tragédie. La quête de Grace, qui cherche à comprendre, était également poignante. J'ai pris conscience aussi des conséquences dramatiques de
l'exploitation des mines dans les Andes, ceci donne une envergure politique au film.
Connaissais-tu l'Amérique du sud, le Pérou?
Je n'y suis jamais allée... Ah, justement, je tenais à dire que la beauté des paysages m'a vraiment frappée! J'ai trouvé certains
plans sublimes... Ces grands espaces, les oiseaux... Je trouve qu'ils symbolisaient un peu cette liberté que les Indiens s'efforcent de défendre, coûte que coûte.
Avais-tu entendu parler des civilisations précolombiennes, ou de la culture des Indiens d'Amérique latine, en cours d'Histoire
par exemple?
Je n'ai pas forcément de souvenir précis, mais j'ai l'intime conviction que le fait d'apprendre l'espagnol et le latin a à voir avec
mon coup de coeur pour ce film! Par exemple, avec M. Marchisio, mon professeur d'espagnol, on a vu un extrait d'Aguirre, la colère de Dieu 1. Ce film est certes très différent de celui dont il est question ici, mais j'y ai pensé: il y est question de
nouveaux conquistadors...
Quelle serait ta conclusion?
Pour moi, ce film est une découverte totale, et je suis très heureuse de l'avoir vu dans les
conditions que ce type d'oeuvre exige: un écran géant de cinéma!
1. film de Werner Herzog traitant de la conquête espagnole de l'Amérique au milieu du XVIème siècle. Il est sorti en 1972 et
fut présenté au festival de Cannes en 1973. Klaus Kinski y interprétait un conquistador halluciné, ambitieux jusqu'à la démesure.