Alors, le dernier Chabrol, il est comment ? Question rituelle qui, comme un privilège, reste réservée aux maîtres du 7ème art, prolifiques et réguliers dans leurs productions. Au détriment de la qualité, rajouteront les mauvaises langues…
Allons droit au but : Bellamy le dernier long métrage de Claude Chabrol (78 ans au compteur) est un bon cru. A l'image de l'intrigue policière qu'il se propose de retracer, ce film est d'abord un puzzle, simple en apparence (grâce à la mise épurée et fluide où chaque plan est agencé avec subtilité, où chaque mouvement de caméra est étudié avec rigueur) mais plus compliqué et vertigineux qu'il n'y paraît quand il s'agit de mettre les pièces les unes à côté des autres.
C'est aussi un film de fantômes qui président aux destinées de l'intrigue (la séquence d'ouverture se déroule dans un cimetière). On y croise d'abord le fantôme de Maupassant (le plus évident vu le titre du film) pour la peinture de l'ambition des hommes. Une ambition parfois machiavélique mais finalement vaine puisque punie par le destin (à vous de voir si Chabrol est plus moral que Maupassant ! ). Ceux d'Alfred Hitchcock et de Fritz Lang dont le réalisateur perpétue l'héritage concernant la dualité profonde de l'être humain, le jeu de miroir (et il y en toujours chez Chabrol) entre innocence et culpabilité, le pile et le face d'une même pièce, l'endroit et le revers d'une même médaille. Simenon n'est jamais bien loin quand il s'agit de faire le portrait d'un commissaire de police qui se met en tête de résoudre une affaire criminelle même en vacances. Fantôme de Brassens dont certaines chansons ponctuent la narration jusqu'à une scène de tribunal plutôt étonnante où la plaidoirie de l'avocat est une composition de l'éternel Georges.
Dans Bellamy, les affaires humaines, contrairement aux fantômes, ne durent pas : la jeunesse s'évanouit (Depardieu est épatant en commissaire vieillissant) et certaines histoires d'amour finissent mal.
Bellamy ou comment voir un beau film grave, subtilement mis en scène, où les dialogues et les interprètes font le reste. Bellamy ou comment voir qu'un réalisateur de 78 printemps peut encore faire du bon travail !
Eric POPU