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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 20:18

Avant la salve automnale des sorties cannoises (dont la Palme d’Or et le Grand prix du Jury en septembre), nouveau retour sur Cannes 2010 grâce à Thaïs, défricheuse de talents pour les Routes de la Critique qui, du coup, font comme l’an dernier un petit détour par la Semaine de la…critique. Ça tombe rudement bien !

 

Ariel Kleiman, jeune (il est né en 1985) réalisateur australien, déjà auteur de nombreux courts métrages depuis 2007.

 

 Ola (barbe et col roulé) et Johannes (pas de barbe ni de col roulé d'ailleurs), deux réalisateurs suédois venus présenter à Cannes leur dernière production.

 

 

 

 

Deeper than Yesterday de Ariel Kleiman (2010) + Sound of Noise de Ola Simonsson & Johannes Stjärne Nilsson (2010)

 

Fait rare, cette année, c'est la souvent excellente mais toujours plutôt discrète Semaine de la Critique (et non pas la Quinzaine ou un Certain Regard) qui a révélé les plus nombreuses et les plus originales pépites cannoises. Fidèle à son format "double feature", présentant à chaque séance un court et un long-métrage, elle part à la rencontre du nouveau cinéma mondial, aide les jeunes cinéastes, et crée le dialogue (entre personnes mais aussi entre films). Parmi les trouvailles de l'année, on notera particulièrement la séance réunissant le court Deeper than Yesterday et le long Sound of Noise.

 

A première vue, rien ne devrait rapprocher le huis-clos torturé de fin d'études d'un jeune russe plein de promesses et le premier long-métrage de fiction de deux documentaristes suédois, une comédie policière douce amère flirtant avec la comédie musicale tendance anar'. Et pourtant, le dialogue est captivant. Le premier, Deeper than Yesterday d'Ariel Kleiman, tourne autour du personnage d'Oleg, un sous-marinier russe tourmenté par la perte d'humanité de ses compagnons après trop longtemps en mer. Le second, Sound of Noise d'Ola Simonsson & Johannes Stjärne Nilsson, raconte l'histoire d'Amadeus, aîné hermétique à la musique dans une famille de concertistes, qui s'engage dans la police et se retrouve à la poursuite d'un groupe de "terroristes" utilisant la ville entière comme instrument d'une symphonie en quatre mouvements.

 

Radicalement opposés dans la forme et le discours, ils dialoguent pourtant autour d'une même thématique : celle de la marginalisation. L'homme coupé du monde est-il toujours humain ? L'homme coupé de sa famille est-il toujours normal ? L'homme coupé de son groupe humain (qu'il s'agisse de l'équipe d'un sous-marin ou d'une ville) a-t-il toujours des droits ?

  

Chez Kleiman, la perte de l'humanité est en droite ligne la conséquence de cette mise à l'écart, et la lutte pour la conservation de cette humanité est un second isolement. Le constat, pessimiste, est servi par une photo salie, dans des tons verdâtres et bleuâtres en écho à l'océan, mais aussi à la froideur et l'hostilité de ce monde où toute once de respect s'est dissipée. Toujours très nette malgré une caméra à l'épaule, au plus près des personnages, l'image adopte une crudité sordide (scène de masturbation, cadavre appelant à la luxure nécrophile...) qui rend étouffante la proximité forcée, et nous place en quelques minutes dans une situation d'empathie très forte avec le protagoniste, Oleg, incarnant un défenseur dérisoire de l'humain dans un troupeau de bêtes sauvages.

 

Pour Sound of Noise, autre format, autre discours. Le titre se veut une référence à l'immortel Sound of Music de Robert Wise (la Mélodie du Bonheur), "le meilleur film de tous les temps" d'après les deux réalisateurs. Les protagonistes, eux, viennent de leur deuxième court-métrage, présenté dans cette même Semaine de la Critique (dont ils sont des habitués) intitulé Music for one appartment and six drummers (cette forme sera reprise pour le titre de la symphonie au centre du film : Music for one city and six drummers) : il s'agit d'un groupe de six percussionnistes pour lesquels le monde n'est qu'un gigantesque instrument de musique, et qui s'offrent devant la caméra de Simonsson et Nilsson le luxe de jouer leur propre rôle.

 

Dans une mise en scène très référencée, Sound of Noise emprunte à la comédie musicale, au film noir, au film romantique et au polar 70', sans oublier la patte du court-métrage originel : des séquences musicales très saccadées, au montage sec mais harmonieux, où l'oeil aide l'oreille à isoler l'origine de chacun des bruits composants les mélodies, et rendant, par cette sensation de proximité et cette compréhension, la musique d'autant plus magique et fascinante. Le spectacle est total, et on oublie complètement la linéarité de l'intrigue grâce à son rythme effréné et son univers où cohabitent l'art, la magie et la folie douce.

 

 

Thaïs ARIAS

 

 

 

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