• Passe ton bac d'abord:

• - Tu m’entends ? Oui, donc je disais... Tu reviens à la maison la semaine du 18, mais moi je serai à Cannes.

• - A Cannes ?

• - Oui, au festival !

• - Ah oui, c’est vrai… Une semaine ?

• - Cinq jours dont un jour férié donc quatre jours, en fait.

• - Attends, tu rates une semaine de cours avant le bac ?

• - Non, quatre jours seulement.

• - Maman veut bien ? T’as l’oral d’euro une semaine après, non ? Et tu rates une semaine ?

• - Quatre jours jt’ai dit !

***

• Reine de la Com:

• - On a un blog, vous pourrez y faire un tour.

• - Ah oui ?

• - Oui, ça s’appelle les Routes de la critique. On est très actifs, c’est grâce à cet atelier que j’ai pu participer au FIGRA et aller au festival de Cannes bientôt …

• - Ah oui je vois que c’est écrit dans votre CV. Alors vous allez à Cannes ? Hum c’est intéressant ça…

• - Oui, c’est incroyable, non ? En fait, on sera à Cannes la Bocca. On devrait bientôt connaître la programmation des films qu’on va voir, trois par jour normalement et on en fera les critiques, à notre niveau mais des critiques quand même. On voudrait aussi retranscrire toute l’effervescence du festival en vidéo ou par écrit, peu importe le moyen, en fin de compte.

• - C’est un très bon projet en effet, qui prouve aussi votre investissement dans l’événementiel et la communication.

• - Oui, et c’est pour cela que vous devriez me prendre dans votre école…

***

• Dans tes rêves:

• - Sérieux ? La montée des marches et tout et tout ?

• - Heu non, on n’est pas des stars non plus.

• - T’essaies de m’avoir un autographe de Georges Clooney hein ?

• - Je sais pas, je …

• - T ’as fait ta valise ? Crème solaire, lunettes de soleil ?

• - Heu... non, pas encore, mais on n’aura pas le temps de buller, il faut écrire les critiques, faire les interviews, le visionnage des films se fait à partir de 9 heure le matin…

• - 9h ? Waouh, c’est tôt! Donc, pour Georges Clooney c’est OK ?

• - Je t’ai dit, je sais pas si…

• - Il n’y avait pas Angelina Jolie aussi l’année dernière ? Si tu pouvais …

***

• En fait:

• - On pourrait faire aussi une sorte de petit journal comme Yann Bartez.

• - Oui, faudra essayer d’obtenir l’interview de réalisateurs, même peu connus…

• - J’avais pensé aussi aux interviews de portiers, boulangers et résidents à Cannes. C’est là qu’on trouvera aussi l’ambiance de Cannes pendant le festival.

• - Et se lever tôt aussi un matin, pour être à 6h à Cannes et écrire un truc sur le contraste entre les clubbeurs qui rentrent, ce côté people, et le côté beaucoup plus sérieux, avec les organisateurs qui préparent déjà une lourde journée de festival.

• - J’espère qu’on aura le temps. Les séances des films qu’on verra c’est à 9h, 11h et 14h c’est ça ?

• - Oui je crois, on mange quand ?

• - Aucune idée. Les critiques c’est l’après midi qu’on les écrira ?

• - Après la séance de 14h probablement. Branly fera de petits reportages, j’aimerais bien participer à ça aussi. ça va être court pour eux aussi, Mme Flamand avait expliqué qu’une minute de film c’est une heure de montage.

• - Tant que ça?  Il y aurait un plan aussi pour une programmation spéciale un soir, et pour aller dans Cannes même. Ah! et aussi la journée où on fait un reportage sur un film, qui sera diffusé sur le site de la 5...

• - On dort quand ?

• - J’en sais rien.

 La double vie de Véronique de Krzysztof Kieslowski (1991).

« Doubles vies, secondes chances » (1)

Un seul crédo : avant Cannes, il faut réviser ses classiques. Voici donc la critique d'un film en compétition en 1991 et pour lequel l'interprète principale, Irène Jacob, a obtenu un prix d'interprétation.

Une chance sur des milliards… une chance infinitésimale pour que, sur Terre, vous ayez un « double » (appelons-le ainsi faute de mieux !) avec qui vous seriez en correspondance secrète sans pour autant connaître l’existence de cet autre vous-même. C’est pourtant le postulat de départ de ce film de Krzysztof Kieslowski, cinéaste polonais plusieurs fois récompensé à Cannes, Berlin et Venise et connu aussi pour son Décalogue (2) : deux jeunes femmes, portant le même prénom, vivant l’une en Pologne, l’autre en France, sont liées par leur ressemblance physique, par certains traits de leur caractère, leur goût pour la musique dont elles ont fait leur métier et par leurs expériences partagées à quelques milliers de kilomètres de distance. A partir de là, le film ouvre plusieurs pistes …

D’abord, une piste politique : une courte séquence de la partie polonaise du film met en scène Weronika à Varsovie alors qu’une partie de la population affronte des forces armées. Aucune indication de date ou d’événement ne nous est donnée pour comprendre vraiment ce qui se passe (est-ce une allusion aux soubresauts politiques qui agitent l’Europe de l’est et donc la Pologne entre 1989 et 1991 ?) mais c’est à ce moment précis que Weronika rencontre fortuitement son double occidental. Le thème de la rencontre des deux Europes, séparées pendant plusieurs décennies par le Rideau de fer, sera ensuite repris par le cinéaste dans le second volet de sa trilogie Trois couleurs (en l’occurrence Blanc en 1994).

Ensuite, une piste métaphysique : le hasard, le destin, le libre arbitre des hommes face à une volonté supérieure qui les dépasse, sont des thèmes récurrents dans le cinéma de Kieslowski (repris d’ailleurs dans Bleu en 1993). C’est ce qui explique l’omniprésence d’une lumière verte qui colore de façon un peu irréelle l’ensemble des scènes du film. Le vert est « la couleur du hasard, du jeu, du destin, du sort, de la chance » (3). Mais c’est aussi une couleur au symbolisme ambivalent : elle symbolise aussi la malchance, l’infortune, l’immaturité. Dans La double de vie de Véronique, une existence, celle de Weronika, est foudroyée alors qu’elle prend un tournant décisif ; une autre, celle de Véronique, choisit de commencer une belle histoire d’amour avec un marionnettiste par ailleurs auteur de livres de jeunesse dont on peut se demander s’il n’est pas un double du réalisateur : c’est ce que suggère une des dernières séquences du film dans laquelle ce personnage confectionne deux marionnettes à l’image de Véronique. La jeune fille en paraît troublée.

Enfin, une piste esthétique : en 1912, Marc Chagall peint Golgotha ou Le Calvaire, relecture d’un thème classique de l’art chrétien (la crucifixion) dont les deux couleurs principales sont le vert et le rouge, autre couleur très présente dans le film (4). L’évocation du peintre par le père de Véronique permet de se replonger dans la tradition chrétienne qui veut que Sainte Véronique, lors de la montée au Golgotha, propose au Christ portant la croix, son voile pour qu’il s’essuie le front. Sur ce voile, le visage du Christ s’imprime miraculeusement : un double originel dont l’iconographie chrétienne multipliera les représentations au cours des siècles.

Le cinéma de Kieslowski est, à l’image des relations existant entre les deux Véroniques, un jeu émouvant, à la fois complexe et subtil de symboles, d’échos, de correspondances et de reflets. A ce titre, il mérite amplement d’être découvert ou redécouvert.

Eric Popu (que l'on n'arrête plus, à Cannes J-9)

Notes :

(1) Titre du livre qu’Annette Insdorf consacre au cinéma de Krzysztof Kieslowski, publié aux éditions des Cahiers du cinéma en 2001.

(2) La passion Kieslowski, Hors série Télérama de septembre 1993 consacré au réalisateur.

(3) Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Panama/essai, 2005.

(4) Daniel Marchesseau, Chagall ivre d’images, Gallimard, collection Découvertes, n° 241, 1995.

Question 2, sur 1 point:

C'est bien beau de  connaître la date de création du festival, mais allez savoir

pourquoi  le prix est une palme ?

Alors?

Mise en ligne un peu tardive du J-11 de Léa, qui n'y est pour rien. Pour se faire pardonner, votre webmistress de service  rappelle que si vous voulez voir la tête de nos auteurs et en savoir un peu plus sur eux, la rubrique qui sommes-nous?  n'attend que vous... Pour l'instant, les portraits ne rendent pas tous justice à la vraie beauté du casting, mais nous essaierons d'y remédier dès que possible...

J-11: Léa

J-11 pour signifier que oui, Cannes sera définitivement à nous dans 11 jours !

Ces derniers temps, j'ai parlé (à tout va, il est vrai) de notre escapade Cannoise, et quel ne fut pas mon étonnement de voir des mines surprises et interrogatrices pour toute réponse à un jovial « Eh ! Je vais à Cannes dans deux semaines ! », c'est bien évidemment quelque peu déçue que j'ai presque systématiquement ajouté « Pour le festival... » Allons bon, Cannes ce n'est donc pas l'Eldorado pour tout le monde, et pourtant.

Il nous faut parfois essuyer quelques railleries (il y est souvent question de « balades » voire de « vacances ») que nous bravons le coeur léger et heureux , le festival nous réserve des expériences cinématographiques assurément jouissives ( Antichrist de Lars Von Trier avec une Charlotte Gainsbourg psychotique !), et si notre hôtel est équipé d'une piscine, nous déclinons évidemment toute responsabilité.

Si, comme pour Yohann, ma valise fera l'objet de futures préoccupations, tout comme Antoine, de jolies marches rouges hantent mes rêves et pour l'heure je peaufine mon air blasé quand, exténuée par une journée passée à  écrire critiques, billets et autres interviews, viendra le temps de proposer «  Isa, ça te dit un restau ? ». Isabelle si tu me lis...